Affectivement dépendant.es (Straight Up, 2019)

“I don’t know what I want.

I know what I don’t want. 

I don’t want to be alone for the rest of my life.”

Je me suis toujours demandé pourquoi nous cherchions à nous reconnaître dans un.e personnage dans une œuvre. Ce besoin de se rassurer comme si cela prouvait que nous n’étions pas seul.es à nous poser des questions existentielles est fascinant. Ainsi, dans Straight Up, le premier film de James Sweeney sorti en 2019, j’ai retrouvé de mes réflexions personnelles dans celles de Todd. Oui, je parais être dépendant émotionnellement comme lui. Mais, de qui, réellement ? 

J’ai été élevé par une mère célibataire, aussi, je n’ai pas eu d’exemple concret et quotidien de relations de couples. Je ne savais pas ce qu’était un couple jusqu’à ce que j’en forme plusieurs à différents moments de ma vie. Cet apprentissage s’est fait progressivement et avec difficulté comme souvent. Dans Straight Up, Todd a connu une forme de relation parfaite de famille en la sienne. Ses parents paraissent s’apprécier autant qu’à sa naissance – il a une vingtaine d’années. Il ne serait donc pas inné de reproduire des schémas qui fonctionnent. Dommage.

première rencontre entre Todd et Rory

Pour accepter une personne dans sa vie, il faut être prêt.e à le faire. Ce week-end, j’ai passé quelques jours avec des amies et nous avons échangé nos points de vue d’hommes et de femmes cisgenre. Il est vrai que parfois, les hommes n’ont pas une attitude bienveillante envers les femmes, notamment sur le plan des émotions et comment nous les montrons à l’autre. Il est aussi vrai que certains hommes restent prisonniers de leur éducation au sein de la société patriarcale dans laquelle ils ont grandi. Dans Straight Up, Todd exprime ses difficultés à se définir comme gay ou hétéro au sein de son cercle d’ami.es. Il lutte face à ce qu’iels pensent de lui jusqu’à douter de sa masculinité et donc, de son genre, lors de ses séances de thérapie. De fait, être incapable de faire l’amour à une personne qu’on semble aimer est souvent vu comme une absence de désir alors que je pense que c’est plutôt le résultat d’un trop plein d’attentes. Et de craintes, donc.

Les hommes sont éduqués pour dominer la société civile. Ce n’est pas un choix qu’on nous offre mais bien un but qu’on nous impose. Une partie des hommes souffrent de cette réalité. Et peut-être même une majorité.

Ce week-end, j’ai rencontré un homme. Je l’ai très vite reconnu et cerné car ce n’est pas le premier ni le dernier que je côtoierais. La sensibilité qui se cache en lui, je la connais. La différence avec moi, c’est qu’on ne la perçois pas si facilement. J’ai déjà écrit sur “l’efféminement” qu’on m’a prêté pendant ma scolarité et je vous laisse découvrir comment j’en ai souffert.

Face à un homme sensible comme Todd ou moi, comment réagissent les femmes ? L’exemple donné dans le film me rappelle quelques anecdotes que j’ai vécues. Todd rencontre inopinément Lory et le courant passe bien. Je suppose que certaines femmes sont réceptives à notre sensibilité exacerbée et que peut-être, ça les rassure elles aussi. Tout au long de la relation qu’iels créent ensemble, cette question du “pourquoi être deux plutôt qu’un.e” se pose. L’une fait des concessions sur le sexe tandis que l’autre essaye de compenser son manque de confiance en soi via de la verbalisation à outrance. On se rend compte que ces deux personnages sont dépendant•es l’un.e de l’autre autant individuellement que collectivement. Ici, un autre enjeu des relations modernes telles qu’elles sont désormais décrites, apparaît. Est-ce que le mariage reste encore un but ultime ou non ?

Récemment, j’ai connu des mariages autour de moi. Certains étaient organisés pour marquer la longévité d’une relation, d’autres célébraient l’arrivée d’un enfant; les raisons invoquées étaient variées. À chaque fois, je n’avais pas l’impression que ce choix était guidé par une quelconque pression sociale comme l’ont connue nos parents et grands-parents. Je connais une majorité de couple qui ne sont pas mariés et dans les romances actuelles, beaucoup de scénarios ne mettent plus en valeur les mariages comme avant. Aussi, le choix de James Sweeney de terminer Straight Up par une demande en mariage cocasse est surprenant. Grâce à ce twist, il nous interroge réellement sur ce qu’est une relation qui pourrait fonctionner. J’ai trouvé que c’était très malin de sa part de nous imposer cette fin pour qu’on revoit le film avec des intentions différentes. 

Il est trois heures du matin quand j’écris ce texte et je viens justement de regarder Straight Up pour la seconde fois. Je l’ai conseillé à des amies – et non, des amis, encore. Je pense que ça peut les aider à mieux envisager certaines rencontres qu’elles feront. À travers son premier film brillant, James Sweeney, quant à lui, nous décrit un couple qui paraît être original sur plusieurs critères tout en nous interrogeant sur l’essence même de cette relation : est-ce qu’être à deux nous complète individuellement réellement ?